un article dédié à Sandrine Louvalmy

 

R comme  Evolution, Sandrine Louvalmy, Editions Kirographaires

 


Le récit que nous livre Sandrine Louvalmy avec R comme évolution, paru aux Editions Kirographaires en novembre 2011  aurait aussi bien pu s’intituler « Rêve de révolution » ou encore « les tribulations d’une précaire »  tant ce texte est visiblement motivé par la colère que porte la protagoniste. Mais il s’intitule R comme évolution comme un dernier soubresaut, une décision : « vous ne m’aurez pas ! »

« Alexandrine « rame » pour trouver du travail, elle « rame » pour survivre.

« Mais ce n’est pas un sort enviable que celui d’être un rameur professionnel ». Alexandrine est jeune, à peine la trentaine et comme beaucoup de jeunes aujourd’hui possède des rêves et un certain nombre de diplômes auxquels elle s’est accrochée pour réaliser ses rêves. Surtout qu’Alexandrine a pour seul défaut : le perfectionnisme. Elle veut réussir, elle est volontaire et motivée dans un monde où il n’y a de places que pour les « winners ».

 Alexandrine en est convaincue. Elle cumule tous les handicaps de la société des winners : trop diplômée, jeune, pas assez expérimentée, et surtout c’est une femme.  Pourtant du travail elle va en trouver, elle sera même une championne de la flexibilité. Contre-pied du perfectionnisme et de la flexibilité combinés, peu à peu , elle va se sentir devenir  robot, condamnée à la dérive face aux conseillers du Pôle Emploi et aux employeurs dont l’objectif ultime à chaque fois est de tester sa motivation, ou plutôt  la motivation qui lui reste et qu’elle doit regonfler un peu plus chaque jour.

L’avenir d’Alexandrine parait bien sombre, comment envisager une maternité, même une seule, quel avenir pour  cet enfant si elle le décide ? Comment vivra-t-elle si elle a un enfant ? A moins de lui offrir une vie « en noir et blanc »…

Et Alexandrine qui n’est pas dupe s’amuse ironiquement de la bureaucratie kafkaïenne et ubuesque du Pôle Emploi.  C’est sa seule soupape de sécurité, l’ironie. Machine à broyer, pièges, prisons, enfermement, le champ lexical de l’oppression  distille  à toutes les pages le sentiment d’angoisse qui étreint la narratrice.

Sa survie, elle la doit à l’écriture. Sans elle, le lecteur devine qu’elle serait devenue folle tant la machine à broyer  ne correspond pas à ses aspirations vitales.

Le vocabulaire utilisé est parfois déroutant, et surgit sous une plume pourtant sensible et un style travaillé, « la tune, l’oseille, le flouze », l’argent quoi ! mot sale sans aucun doute car lorsqu’il fait défaut pour vivre même simplement il devient ce mot « colère » qui alimente les révolutions.

Si le style de ce récit est sans doute volontairement tendu et alerte parfois oral c’est pour mieux dénoncer la violence que génèrent les situations auxquelles les demandeurs d’emploi  et les salariés précaires sont confrontés de plus en plus depuis plusieurs décennies, mais qui atteint son paroxysme avec la nouvelle génération.

On a quand même envie de prendre Alexandrine par la main et de lui dire :  «- regarde, il fait beau, tu as un mari beau et gentil, un enfant tout autant… souris. » On a envie, mais…

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